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6 avril 2020

Mes lundis au soleil # 2

21 eme jour de confinement . Grand soleil aujourd'hui. Le printemps qui s'est invité dans notre tout petit village des Alpes Maritimes dès le début du confinement a parfois montré des hésitations, valsant de jour en jour avec les frimas de fin d'hiver. Aujourd'hui, cependant, il faisait doux déjà aux premières heures du matin et j'en ai profité pour me glisser dans le jardin à un moment où d'ordinaire, je traîne encore dans la cuisine ou le salon, pour une deuxième tasse de café fumant. Il paraît que les Français relâchent leur vigilance et ne respectent plus le confinement, qu'ils se remettent à arpenter les rues, partent groupés en promenade. Je n'ai pas de mal à le croire : ici, de l'autre côté de la clôture, sur le chemin qui longe la rivière, c'est toute la journée un défilé de promeneurs ou de sportifs à l'occasion et il flotte un parfum de vacances dans lequel on ne retrouve rien des accords austères de l'isolement forcé.  Que faut-il en penser? Seul l'avenir nous le dira.  (J'imagine que tout le monde n'a pas un jardin et aspire pourtant, en ce début de quatrième semaine, à une bouffée d'air frais.) 

La maison est devenue notre tout, notre univers et ses limites, et plus que jamais nous en apprécions les espaces et le confort. Alors que s'évanouissent tous les projets d'ailleurs, les longs voyages que l'on avait pourtant imaginés et auxquels on se raccrochait, naissent de nouvelles perspectives. C'est ici désormais que la vie s'organise. L'Homme a redonné vie au terrain de boules qui s'était laissé dévorer par de mauvaises herbes et une haie envahissantes et il faudrait voir à installer quelque part la table de ping-pong qui attend, sagement rangée sous sa housse, qu'on se souvienne qu'elle existe. La pelouse est tondue, les balconnières n'ont jamais été si belles qu'en ce début d'avril et même le vieux bassin, qui n'abritait plus depuis longtemps qu'une colonie de grenouilles rieuses et de crapauds vilains, renaîtra prochainement sous d'autres allures. Métamorphoses du temps... Planterons-nous ici un massif fleuri? Un olivier peut-être? J'aime les oliviers et j'aime les rendre à cette terre dont ils sont originaires et que trop de nouveaux propriétaires, en des temps où l'on était moins scrupuleux de ces choses-là, ont arrachés pour configurer dans des villages ancestraux des jardins de campagne à l'image de leurs jardins de banlieue. Il y a deux ou trois générations, les premiers propriétaires de notre maison ont tendu là un cercle découpé dans un vilain morceau de bâche goudronnée, pour un diamètre de quatre bons mètres, et jeté au hasard quelques gravats, des poissons rouges, une poignée d'herbes folles. A notre arrivée en ces lieux, nous avons tenté de végétaliser le bassin, observant que les poissons qui s'y étaient reproduits alimentaient généreusement un magnifique héron dont nous avons reçu la visite quelques semaines, le temps pour lui j'imagine de faire place nette entre les joncs et puis d'aller chercher ailleurs les moyens de sa subsistance. Depuis cet abandon, dans la bâche, ne se plaisaient plus que les tétards... mais eux, c'est un fait, se plaisaient! Je n'ai jamais vu autant de grenouilles et de crapauds réunis en un seul endroit ! Mon père, ce babare, m'avait conseillé un petit verre d'eau de javel tous les matins... Ni l'Homme ni moi n'avons pu nous résoudre à te telles extrémités, et voilà maintenant près de dix ans qu'à chaque printemps, nous dormons bercés par le chant des batraciens. Tout porte à croire que c'est fini :  la toile qui tapissait le  fond du bassin, hors d'âge, a finalement rendu l'âme, quelques semaine à peine après la pompe du système de filtration et, en une nuit seulement, ce qui la veille s'appelait encore un bassin s'est vu rendu au jardin : ne restent plus que les végétaux. Une partie de moi espère que, pour leur survie, les batraciens auront trouvé le chemin qui mène à la rivière, toute proche ; l'autre partie soupire de contentement à l'idée des nuits retrouvées : le bassin à sec, nous pouvons désormais espérer que les grenouilles à voix aillent s'époumonner sur d'autres terres que les nôtres... 

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