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26 mars 2020

Comme un parfum de fin du monde

11ème jour de confinement.  Dans l'air, autour de nous, flotte parfois comme un parfum de fin du monde...  La moitié de l'humanité vit aujourd'hui recluse (La moitié : est-ce plus ? est-ce moins ? Je ne le sais pas exactement, moi qui ne suis pas très "connectée et qui me contente de survoler le soir les notifications qui s'affichent ponctuellement sur l'écran de mon téléphone portable) et toutes les activités humaines s'organisent en conséquence. Dans les rues, ceux qui se déplacent encore le font soit en rasant les murs, regard baissé et pas pressé, soit l'allure bravache, en contournant tous les réglements et en narguant la loi. Je pense souvent à ma grand-mère, ces jours-ci. Je me demande ce qu'elle aurait pensé de la situation, elle qui, à Paris puis plus tard, de son Jura natal, puis finalement de Nice où elle fut comme beaucoup, réfugiée pour un temps, a connu les horreurs et les privations de l'occupation. Souvent, elle m'a confié la chance qu'ils avaient eu alors, eux les gens de la campagne, ceux qui avaient encore de quoi se nourrir, et combien c'était difficile en ville, à Paris surtout, où l'on manquait de tout. A moindre échelle, évidemment, c'est un peu la même chose aujourd'hui : moi, j'ouvre la fenêtre sur un jardin ensoleillé, mon quotidien est calme et sans accroche, je ne suis pas seule, enfermée avec mes enfants dans un minuscule appartement mal isolé. Alors, forcément, je pense aux autres. A ceux que je connais, et à ceux que je ne connais pas mais dont j'imagine la vie. Comme tout le monde je suppose, j'écris à mes amis, j'appelle mes parents, avec tous je prends date. Je dis après, bientôt, quand tout cela sera fini, derrière, oublié, plus qu'un mauvais souvenir, alors nous nous verrons. Ensemble, nous boirons des verres, nous échangerons des poignées de main, nous pourrons nous approcher, nous serrer...

Combien de séparés attendent et remettent à demain, à plus tard, à bientôt? En attendant, il faut s'organiser. Planifier l'aujourd'hui du mieux que nous le pouvons tout en nous projetant dans un demain libérateur. Ne pas trop réfléchir, ou plutôt si, réfléchir, mais voir loin et ne pas se laisser envahir, submerger, par les effluves discrets de ce léger parfum de fin du monde qui flotte autour de nous. Si je devais me concentrer sur ce que cet événement peut avoir de positif, sur ce qu'il nous enseigne (et au regard de la crise sanitaire que nous traversons et bien que je ne sois pas à même d'en juger, nul doute que les enseignements seront nombreux) je retiendrais avant tout ce qu'il nous dit de ce que nous pouvons faire, si nous le décidons, pour notre planète. Comment ne pas observer aujourd'hui à quel point écologie et économie sont les deux faces d'une même médaille? Et comment ne pas remarquer ce que que l'arrêt total et soudain de toutes les activités humaines signifie pour la protection de l'environnement?  De tous les coins du monde, des images affluent sur nos réseaux pour nous montrer les beautés d'une nature qui reprend ses droits, qui reprend son souffle : faut-il donc que nous perdions le nôtre pour que cela se produise? Je sais que c'est parce que je suis terriblement privilégiée que je peux me permettre de penser cela, parce que je vis un confinement doux et sans contraintes majeures, parce que cela ne désorganise pas fondamentalement ma façon de vivre ni mon rapport au monde, mais je dois reconnaître que j'ai presque peur de ce qui, justement, va se passer "après". Quand les avions décolleront de nouveau, quand les voitures du monde entier pourront de nouveau s'engouffrer sur les mêmes axes routiers , quand les buildings flottants  repartiront à l'assaut de la lagune de Venise ou des routes ouvertes au coeur de la banquise, bref, quand nous recommencerons de plus belle, comme avant et peut-être pire, qu'en sera-t-il, vraiment? N'y a-t-il pas là aussi, une menace, plus lourde encore de conséquences que celle de cet épisode que nous traversons, aussi terrible et incroyable soit-il? 

Je n'ai pas les réponses et aucune légitimité, de toute façon, pour me risquer à en avancer une. J'observe simplement, par la petite ouverture de ma fenêtre, le grand Monde qui s'agite au dehors.

Pour finir ce billet et me faire pardonner ces pensées pas très gaies, quelques mots tirés d'une chanson extraite de la BO du film de Claude Lelouch, Les Uns et les autres, et qui  s'intitule justement Un Parfum de fin du monde. Cette chanson résonne particulièrement en moi aujourd'hui - La citer provoquera peut-être, qui sait, pour certains, la tentation d'aller revoir le film (c'est long, c'est vrai... mais après tout, en ce moment, on a du temps ...) : 

Dis, m'en veux surtout pas, si ma chanson a un parfum de fin du monde, c'est vrai...

Dis, on se reverra, un café désert...  Sans les cafés, les gares, comment faire pour se retrouver, demain? 

 

 

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